Il a maintenant des lunettes, une redingote un peu longue.
Il m’accueille singulièrement ; il me fait sentir qu’il n’est pas libre de recevoir qui il veut : il parle bas et marche mou.
« Vous a-t-on vu monter ? me demande-t-il.
— Comment, vous qui avez écrit ce livre, vous avez aussi peur que cela ?… »
Quoiqu’il ait vingt ans de plus que moi, je lui parle comme s’il avait mon âge, et je lui reproche d’avoir trahi, ou tout au moins, dis-je en corrigeant ma colère, d’avoir abdiqué.
« Abdiqué, mais oui, j’ai abdiqué, du jour où j’ai eu la lâcheté de venir ici après vingt ans de Paris ! »
Et il s’est levé au bout de trois minutes :
« Allons, jeune homme, quittons-nous ! Je ne veux pas avoir été si longtemps servile pour être compromis en un quart d’heure par vos éclats de voix. Vous n’avez pas de femme à nourrir, vous, ni de famille à élever. »
Il y a peut-être de l’héroïsme à faire ce qu’il fait ! Il a écrasé son orgueil et étouffé ses idées pour donner du pain aux siens !
Comme il coûte cher, ce pain !…
Celui que mon père me donne est cher aussi.
On me tient comme un prisonnier et on me traite comme un mendiant !