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Chercher le bruit ? Me perdre dans la foule ?… Quelle émotion y trouverais-je ?


Il n’y a, dans cette grande ville de province, comme bruit et comme foule, que les marchés où l’on fait tapage, sur le bord de l’Erdre ; mais je n’aime pas les paysans à la ville, — avec leurs têtes de renards méchants. — Ils ne me plaisent que dans la campagne, derrière les bœufs, ou battant le blé dans la grange !


Sur la place fashionable, à certaines heures, on voit du monde, mais un monde qui ressemble à celui des dimanches de Paris, un monde sans passion sur la face, et qui parle de tout ce que je hais, qui méprise tout ce que j’aime.

Je leur sens l’insolence dédaigneuse et le bonheur impitoyable…

On entend des plaisanteries sur Bonaparte :

« Il les a tout de même foutus dedans, les républicains ! »

Et de rire !…

Je préfère encore le silence écrasant du quai et le spectacle désolé de la rue…


Où est donc la vie ? La vie !

À Paris, les pauvres, mes voisins seraient des irrités et il y aurait la consolation des souvenirs de République, la gloire des cicatrices ! Sur le quai, il y aurait des bouquinistes, il passerait des blouses !