Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On me punissait si je parlais, on me punissait si j’avais fait un gallicisme dans un thème, on me punissait si je ne pouvais pas réciter par cœur dix vers d’Eschyle, un morceau de Cicéron ou une tranche de quelque autre mort ; on me punissait pour tout.

La rage me dévore à voir la place où j’ai si bêtement souffert.

En face, est la cage où j’ai passé ma dernière année. J’ai bien envie de me précipiter là-dedans et de crier au professeur :

« Descendez donc de cette chaire et jouons tous à saute-mouton ! Ça vaudra mieux que de leur chanter ces bêtises, normalien idiot ! »


Je me rappelle surtout les samedis d’alors !

Les samedis, le proviseur, le censeur et le surveillant général venaient proclamer les places, écouter les notes.

Est-ce qu’ils ne se permettaient pas, les niais, de branler la tête en signe de louange, quand j’étais premier encore une fois !

Niais, niais, niais ! Blagueurs plutôt, je le sais maintenant. Vous n’ignoriez pas que c’était comme un cautère sur une tête de bois, cette latinasserie qu’on m’appliquait sur le crâne !

Plutôt que de repasser sous ces voûtes, de rentrer dans ces classes, plutôt que de revoir ce trio et de recevoir ces caresses de cuistres, je préférerais, dans cette cour qui ressemble à un cirque, me battre avec un ours, marcher contre un taureau en fureur, même