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XIV

DÉSESPOIR

Mon passé se colle à moi comme l’emplâtre d’une plaie. Je tourne et retourne dans le cercle bête où s’est écoulée une partie de ma jeunesse.

Le vieux collège me menace encore de sa silhouette lugubre, de son silence monacal.

Je ne puis entrer dans la ruelle qui longe ses murailles, sans me rappeler les années affreuses, où, quatre fois par jour, je montais ou descendais ce chemin, pavé de pierres pointues qui avaient la barbe verte. Au milieu, quand il pleuvait, courait un flot vaseux qui entraînait des pourritures.

En été, il y faisait bon, quelquefois ; mais mon père me disait : « Repasse ta leçon », et je n’avais pas même la joie de renifler l’air pur, de regarder se balancer les arbres de la grande cour, troués par le soleil et fourmillant d’oiseaux.

Au coude, à l’endroit où la ruelle tournait, se trouvait une maison garnie de fleurs aux croisées et