Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à une demi-lieue dans l’air, lugubre comme un coup de cloche d’église.

À gauche, la prairie de Mauves brûlée par le givre.

À droite, la longueur de la rivière, qui est trop étroite encore à cet endroit pour recevoir les grands navires. On y voit les cheminées des vapeurs de transport, rangées comme des tuyaux de poêle contre un mur ; et les mâts avec les voiles ressemblent à des perches où l’on a accroché des chemises — espèce de hangar abandonné, longue cour de blanchisseur, corridor de vieille usine, ce morceau de la Loire !

Le ciel, là-dessus, est pâle et pur : pureté et pâleur qui m’irritent comme un sourire de niais, comme une moquerie que je ne puis corriger ni atteindre… C’est affreux, ce clair du ciel ! tandis que mon cœur saigne noir dans ma poitrine…

Oh ! ce silence ! — troublé seulement par le bruit d’une conversation entre les mariniers ! ou le ho, ho ! lent de ceux qui tirent sur la corde, dans le chemin de halage, pour remonter un bateau…


Pourquoi le train qui me ramenait n’a-t-il pas sauté ! Pourquoi n’ai-je pas eu le courage de me jeter, la tête la première, sous la locomotive, au lieu de m’installer dans le wagon comme un condamné à mort dans la charrette qui le prend et le mène, à travers champs, à l’endroit de l’exécution ! Il y en a qui vont ainsi trois heures en voiture, côte à côte, avec le bourreau ! Mais, quand ils arrivent, ils n’en ont plus que pour un moment, ils sont près de la délivrance ;