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« Ce n’est rien, dit-elle, et elle me console et m’engage à partir vite pour revenir plus tôt — vous me retrouverez comme autrefois, ajoute-t-elle doucement. »

Je l’ai remerciée, mais je donnerais mon bras malade pour ces cent francs !

Enfin, c’est fait.

Elle m’a dit adieu dans un coin. Je tenais la tête baissée et j’avais comme de la boue dans le cœur.


J’ai pris le train, les troisièmes. Mon épaule se gèle dans ces wagons ouverts au vent. Je ne puis plus lever mon bras ; il est comme mort quand j’arrive.

« Mais avec ce bras mort, tu as l’air d’avoir été blessé comme on le dit, me crie mon père d’un air furieux. Tu peux bien le lever un peu, voyons !

— Non, je ne puis pas, mais j’essaierai, je te le promets ; seulement j’ai un poids sur la conscience. Qu’on m’en débarrasse pour me donner du courage ! Envoie dès ce soir à Paris l’argent de l’hôtel. »

Je montre la lettre où est sa promesse de payer dès que je serai revenu ; il me répond à peine et cela dure un jour, deux jours.

Mon père n’est pas un méchant homme. Je me rappelle ses sanglots, le matin où après que je m’étais battu pour lui j’allais être arrêté, saignant encore, sur une demande qu’il avait faite huit jours avant.

Mais, la frayeur de perdre sa place, — que serait-il devenu ? — la colère de me voir lui répondre, comme