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paraissent seules vivantes en face de ces visages morts !

Les déchire-t-on ? hurle-t-on ?

Non. Les gens lisent les proclamations de Napoléon, les mains dans leurs poches, sans fureur !

Oh ! si le pain était augmenté d’un sou, il y aurait plus de bruit !… Les pauvres ont-ils tort ou raison ?

On ne se battra pas !

Nous sommes perdus ! Je le sens, mon cœur me le crie ! mes yeux me le disent !… La République est morte, morte !


Dix heures.

On est assemblé chez Renoul.

« Y sommes-nous tous ? »

Oui, tous, et encore quelques amis. Il doit en venir d’autres à midi…

À midi ? Mais d’ici là, il faut commencer le branle-bas !

Il faut qu’à midi la rue soit en feu, que la bataille soit engagée, qu’on sache le mot d’ordre, et qu’on crie de barricade en barricade, et pour tout de bon, cette fois : Sentinelles ! prenez garde à vous !


On ne se battra pas !

Voilà qu’il vient d’arriver un grand garçon brun, long et gras, frère d’un célèbre de 1848.

Plus vieux que nous, couvert de son nom, il a la parole, on l’écoute.

Que dit-il ?