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« Montre-nous quelqu’un parmi les avancés, qui dise, qui ose dire ce que tu dis ! »

En effet les plus écarlates même saluent Béranger ! « Ah ! celui-là par exemple ! » — et ils se découvrent.

Les plus indulgents, quand ils m’entendent, sourient et me donnent des tapes sur l’épaule d’un air qui signifie : « tu ne sais pas ce que tu dis — allons, mon garçon !… »

« C’est pour se faire remarquer, se singulariser, » insinuent en ricanant les autres !

Éternelle bêtise que j’entends sortir de la bouche des jeunes comme de la bouche des vieux ! Mais se singulariser, c’est très bête ! On se brouille avec tout le monde. J’aimerais bien mieux être de l’avis de la majorité ; on a toujours du café, et avec ça des politesses ; les gens disent : « Il est intelligent » parce que vous êtes de leur avis.

Me faire remarquer, me singulariser ! Quand cela m’empêche d’avoir mon gloria et ma goutte de consolation !


Seul, seul de mon opinion !

Pas un homme, connu ou obscur, pas un livre, gros ou mince, à tranches fades ou violentes, n’a laissé échapper un mot — comme un souffle d’écrasé — contre cette popularité qui met son pied mou, chaussé de pantoufles, sur le cœur du peuple, et qui lui enfonce du coton tricolore dans les oreilles !

Au secours, donc, les fils de pauvres ! ceux dont les pères ont été fauchés par la Réquisition ! Au