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C’est au haut de notre rue justement, au coin de la place Saint-Michel, contre la fontaine. On l’appelle le café du Vote universel.

Il y va des célébrités.

Nous sommes un peu dépaysés dans cette atmosphère de démocratie autorisée, où les têtes sont déjà mûres ; où il y a des gens qu’on dit avoir été chefs de barricades à Saint-Merry, prisonniers à Doullens, insurgés de Juin ; qui ont le prestige de l’enrégimentation révolutionnaire, du combat et de la prison.

Ont-ils tous cette auréole ? On ne peut pas bien voir les auréoles dans cette fumée.

Mais il y a vraiment des figures sympathiques et vigoureuses. Ce qui me frappe le plus, c’est l’air bon enfant de ceux qui ont un nom, dont on dit : « Un tel, c’est lui qui en février tirait sur les municipaux, au Château-d’Eau. — Cet autre, là-bas, a fait six mois de ponton après Juin. »


Je passe et repasse devant ces tables pour voir comment on est fait quand on a reçu ces baptêmes de feu. Oui, ce sont ceux-là qui crient le moins et qui rient le plus.


Un jour Rock m’a tiré la manche.

« Tu vois bien ce grand ?

— Là à gauche ?

— Oui, ne fais pas semblant de le regarder.

— Qui est-ce ?

— Un représentant de la Montagne, X…