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MES COLÈRES

« Et toi, Vingtras, que feras-tu ?

— Je ferai les Tombes révolutionnaires. »

L’idée m’est venue de visiter les cimetières où sont enterrés ceux qui sont morts pour le peuple.

Je suis parti de bonne heure souvent, pour aller réfléchir devant ces tombes de tribuns et de poètes.

J’ai rôdé autour des grilles, j’ai dérangé des veuves qui apportaient des bouquets.

Je ferai l’histoire de ces morts, je citerai les phrases gravées au couteau sur la pierre — en essayant de jeter un éclair dans le noir de ces cimetières. Il y a des fleurs qui piquent de rouge l’herbe terne : je mettrai des phrases rouges aussi.

« Ce Vingtras qui blague toujours, il choisit ce sujet-là !… »

Je blague toujours — mais quand nous sommes entre nous, il ne servirait à rien d’avoir l’air de croque-morts. Il faut être grave quand on parle au peuple.