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républicain, chez ce souffleteur de Saint-Vincent !…

Puis, la saison est belle, — le printemps est venu plus tôt cette année, — et il tombe du soleil par belles plaques dorées sur les meubles et sur nos têtes.

Je garderai longtemps le souvenir d’une de ces plaques d’or qui se teintait de rouge en traversant les grands rideaux ; c’était la poésie des églises où les vitraux jettent des reflets sanglants sur les dalles, et le charme intime et doux d’une chambre d’ami ; mes regards se noyaient et mon cœur se baignait dans ce calme et cette clarté.

Dans toutes les maisons que j’ai habitées jusqu’ici, — dans l’hôtel même du père Mouton, — les chambres n’ont qu’un lit pauvre, deux chaises vilaines, une table grasse, un lavabo ébréché. Les réduits de dix francs donnent sur la cour, on croirait voir une gueule de puits humide et noire ! Si le soleil vient, c’est tant pis ! il sert à chauffer le plomb ; si la brise entre, elle apporte de la cuisine et de la table d’hôte des odeurs de friture et de graisse.

Dans cette maison de Renoul, la croisée ne s’ouvre pas sur une rue boueuse, mais sur un espace planté d’arbres tout couverts de pousses fraîches comme des petits haricots verts, et où sautent des oiseaux en liberté.

Je n’ai rencontré jusqu’à présent que des oiseaux qui sentaient la vieille femme, la suie ou le cuir : — pies, perroquets, merles, avec des becs qu’on dirait faits à la grosse. Ici j’ai l’oreille chatouillée et le cœur effleuré par de grands frou-frous d’ailes !…