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Le proviseur s’émut, et des excuses furent faites, en plein réfectoire. — Mon père pleurait.


Quand, excitée par un hasard, ma mémoire a reconstruit la scène, je l’ai maltraitée, bourrée d’autres pensées et traînée vite sur un autre terrain, parce qu’il me semblait sentir fermenter de la boue sous mon crâne !

Et voilà que c’est le cadet de celui qui insulta mon père qui offre ses joues pour recevoir les soufflets de la Justice !

J’ai eu, un moment, l’envie de me venger sur l’innocent. Si ses cheveux n’avaient pas été gris, je lui rendais la gifle, alourdie par vingt-cinq ans de fureur, et je l’assommais.

Mais il a l’air bon, ce candidat à la gérance. Puis il ne demande presque rien. Et, parce que le frère du souffleteur s’offre au rabais, le fils du souffleté oublie l’injure, et l’embauche. Pour un million, je n’aurais pas voulu de la douleur que le scandale me laissa : pour vingt francs de moins à donner, je tope dans la main de l’individu.


Il sanglote, à son tour, quoique pourtant ce ne soit pas une humiliation, mais presque un honneur qui l’attend. Il sera « condamné politique » et ceux qui ne l’auront pas vu geindre et se lamenter devant les juges le salueront.

L’avocat du journal tire de son attitude des effets