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chons vendus, qui, en paraissant souffleter des maquignons, giflait magistrats et ministres, légalité et tradition.

L’huissier est venu.

On va nous tuer.

Mais je ne suis pas en nom ; la loi ne s’en prend qu’au gérant et ne désire pas atteindre le coupable, pourvu que l’arme soit brisée.


Pauvre gérant ! Il m’a été adressé, par je ne sais qui, et s’est fait reconnaître à moi en deux mots qui ont réveillé l’une des souffrances que j’ai tenues cachées, depuis mon enfance, dans le coin le plus ensanglanté de mon cœur.

Un jour, quand j’avais dix ans, alors que le père était pion et avait obtenu que son fils travaillât, à ses côtés, dans la chambrée des grands, un élève irrita M. Vingtras, qui leva la main et effleura le visage de l’écolier insolent.

Le frère de cet écolier, solide, fort, déjà moustachu, qui se préparait à la Forestière, sauta par-dessus la table, et vint, à son tour, frapper le maître d’étude, et le bouscula et le battit.


J’aurais voulu tuer ce grand-là ! J’avais entendu l’économe parler d’un pistolet qu’il avait dans son armoire. Je m’introduisis comme un voleur chez lui, fouillai dans les tiroirs, ne trouvai rien. Si j’avais mis la main sur l’arme, j’aurais peut-être passé en cour d’assises.