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Des domestiques sont là qui bâillent, ouvrent les fenêtres et secouent les tapis. Je les prie d’avertir Jean, le valet de chambre, qui m’annoncera à son maître.


Me voici enfin devant lui.

Quel visage blafard ! quel masque de pierrot sinistre !

Une face exsangue de coquette surannée ou d’enfant vieillot, émaillée de pâleur, et piquée d’yeux qui ont le reflet cru des verres de vitres !

On dirait une tête de mort, dont un rapin farceur aurait bouché les orbites avec deux jetons blancs, et qu’il aurait ensuite posée au-dessus de cette robe de chambre, à mine de soutane, affaissée devant un bureau couvert de papiers déchiquetés et de ciseaux les dents ouvertes.

Nul ne croirait qu’il y a un personnage là-dedans !


Ce sac de laine contient, pourtant, un des soubresautiers du siècle, un homme tout nerfs et tout griffes qui a allongé ses pattes et son museau partout, depuis trente ans. Mais comme les félins, il reste immobile quand il ne sent pas, à sa portée, une proie à égratigner ou à saisir.

Le voilà donc, ce remueur d’idées, qui en avait une par jour au temps où il y avait une émeute par soir, celui qui a pris Cavaignac par le hausse-col et l’a jeté à bas du cheval qui avait rué contre les bar-