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troupeau d’inconnus, qui passèrent sans s’arrêter.

Aujourd’hui, je suis en habit noir, devant des parvenus endimanchés qui se figurent avoir fait acte d’audace, parce qu’ils sont venus pour entendre lire des vers.

Vont-ils me comprendre et m’écouter ?


On déteste Napoléon, dans ce monde de puritains, mais on n’aime pas les misérables dont le style sent la poudre de Juin plus que celle du coup d’État. Ces vestales à moustaches grises de la tradition républicaine sont — comme étaient Robespierre et tous les sous-Maximiliens, leurs ancêtres — des Bridoisons austères de la forme classique.

Et les cravatés de blanc qui sont là, et qui m’ont lu, ont été déroutés, les cuistres, par mes attaques d’irrégulier, déchaînées moins contre le buste de Badinguet que contre la carcasse de la société tout entière, telle qu’elle est bâtie, la gueuse, qui n’a que du plomb de caserne à jeter dans le sillon où les pauvres se tordent de douleur et meurent de faim — crapauds à qui le tranchant du soc a coupé les pattes, et qui ne peuvent même pas faire résonner, dans la nuit de leur vie, leur note désolée et solitaire !


Seulement, à cette heure, c’est le dédain plus que le désespoir qui gonfle mon cœur, et le fait éclater en phrases que je crois éloquentes. Dans le silence,