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pour voir comment je m’en tirerai, et dans l’espoir que je ferai four ou scandale.

Je laisse débiter les alexandrins et m’en vais attendre à la brasserie la plus voisine.


— À ton tour ! Ça va être à toi.

Je n’ai que le temps de grimper les escaliers.

— À vous ! à vous !

Je traverse la salle ; me voici arrivé sur l’estrade.

Je prends du temps, pose mon chapeau sur une chaise, jette mon paletot sur un piano qui est derrière moi, tire mes gants lentement, tourne la cuillère dans le verre d’eau sucrée avec la gravité d’un sorcier qui lit dans le marc de café. Et je commence, pas plus embarrassé que si je pérorais à la crémerie :


— Mesdames, messieurs,

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

J’ai aperçu, dans l’auditoire, des visages amis, je les regarde, je m’adresse à eux, et les mots sortent tout seuls, portés par ma voix forte jusqu’au fond de la salle.

C’est la première fois que je parle en public, depuis le Deux-Décembre. Ce matin-là, je montais sur les bancs et sur les bornes pour apostropher la foule et crier : « Aux armes ! », je haranguais un