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XXXV

Voilà des semaines que j’attends, du fond de mon trou, une occasion de leur filer entre les doigts.

Leur échapperai-je ?… je ne crois pas.

Par deux fois, je me suis trahi. Des voisins ont pu voir sortir ma tête, blême comme celle d’un noyé.

Tant pis ! si l’on me prend, on me prendra !


Je suis en paix avec moi-même.

Je sais, maintenant, à force d’y avoir pensé dans le silence, l’œil fixé à l’horizon sur le poteau de Satory — notre crucifix à nous ! — je sais que les fureurs des foules sont crimes d’honnêtes gens, et je ne suis plus inquiet pour ma mémoire, enfumée et encaillotée de sang.

Elle sera lavée par le temps, et mon nom restera affiché dans l’atelier des guerres sociales comme celui d’un ouvrier qui ne fut pas fainéant.