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J’ai ma soirée à moi, — le rêve de toute ma vie ! — et je n’ai qu’à me lever aussi tôt que les ouvriers pour avoir encore deux heures de frais travail, avant de venir vérifier le sexe des mioches.

Je les démaillote, mais je me suis démailloté aussi, et je pourrai montrer que je suis un homme à qui voudra regarder.


Enterrement Murger.

J’ai demandé congé pour suivre le convoi d’un illustre.

Je veux voir les célébrités qui accourront en foule ; je veux entendre aussi ce que l’on dira sur sa tombe.


On a pleurardé, voilà tout.

On a parlé d’une maîtresse et d’un toutou que le défunt aimait bien, on a jeté des roses sur sa mémoire, des fleurs dans le trou, de l’eau bénite sur le cercueil ; — il croyait en Dieu ou était forcé de paraître y croire.

Des pioupious aussi suivaient le cortège avec leurs fusils : le peloton des décorés.

Il avait la croix ; c’était comme une médaille d’aveugle, une contremarque de charité. On ne laisse pas crever de faim les légionnaires ; resté misérable, il avait dû nouer sa gloire, comme une queue de cheval, avec le ruban rouge.

Je suis revenu songeur, et soudain j’ai senti dans mes entrailles un tressaillement de colère. Il m’a