Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/267

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais il s’agissait de la faire.

Il fallait prêter au peuple un langage à la fois simple et large. Devant l’histoire, il prenait la parole, dans le plus terrible des orages, sous le feu de l’étranger. On devait songer à la Patrie, en même temps qu’à la Révolution.

Et dans le petit logis de la rue Saint-Jacques où ils s’étaient enfermés, ces quatre hommes de lettres s’arrachaient les cheveux à chaque ligne qu’ils allongeaient sur les feuilles blanches, craignant de verser dans la platitude ou la déclamation.

Nous avions honte de nous, et chaque sonnerie de la pendule nous tintait douloureusement dans le crâne.

La besogne fut enfin aux trois quarts achevée. Il était cinq heures du matin.


Tridon, malade, et qui devait mourir du mal qui le rongeait, proposa de faire un somme — quitte à donner ensuite un coup de collier.

Nous nous étendîmes tous deux sur un lit improvisé… que je quittai pour lui laisser plus de place, à lui, le pauvre ! qui avait le cou en charpie, la peau en lambeaux, et qui se recroquevillait dans l’unique drap qu’on nous avait abandonné, les camarades ayant pris l’autre.

Sa chair était déjà à l’agonie, sa pensée restait robuste et saine.