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C’était en 1849 — il avait, ma foi, la phrase hardie et révolutionnaire. Je me rappelle, même, qu’il allait au café avec Anatoly, dont il connaissait le frère aîné, et qu’il releva la tête en m’entendant, à une table voisine où l’on se disputait, insulter la lévite de Béranger.

Il m’avait remarqué, sans retenir mon nom ; mais il se souvenait de l’incident, et quand, au sortir du cours, je l’ai abordé, il m’a tout de suite reconnu.

— Et que faites-vous ? J’avais entendu dire que vous aviez été déporté, ou tué en duel.


Je lui confie à quel point je me sens envahi, résigné à mon sort, heureux de la discipline, content de vivre, la main sur le tire-bouchon à cidre ou sur la cuillère à fayots, les yeux sur un flot de rivière.

— Diable, diable ! a-t-il dit, comme un médecin qui entend de mauvaises nouvelles. Venez donc me voir, nous causerons. Cela me fait plaisir de m’échapper quelquefois de ce milieu de niais et de scélérats !

Il montrait, du geste, les autorités, et tout le groupe de ses collègues.


C’est lui, l’universitaire bien en cour, qui parle ainsi !

Ah ! pourquoi l’ai-je rencontré !

Je vivais calme, je me reposais délicieusement ; il