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Voilà donc le fantôme de l’insurrection, l’orateur au gant noir, celui qui ameuta cent mille hommes au Champ-de-Mars, et que le document Taschereau voulut faire passer pour un traître.

On disait que ce gant noir cachait une lèpre ; que ses yeux étaient brouillés de bile et de sang… il a, au contraire, la main nette et le regard clair. Il ressemble à un éduqueur de mômes, ce fouetteur d’océans humains.


Et c’est là sa force.

Les tribuns à allure sauvage, à mine de lion, à cou de taureau s’adressent à la bestialité héroïque ou barbare des multitudes.

Blanqui, lui, mathématicien froid de la révolte et des représailles, semble tenir entre ses maigres doigts le devis des douleurs et des droits du peuple.


Ses paroles ne s’envolent pas comme de grands oiseaux, avec de larges bruits d’ailes, au-dessus des places publiques qui, souvent, ne songent pas à penser, mais veulent être endormies par la musique que font, sans profit pour les idées, tous les vastes tumultes.

Ses phrases sont comme des épées fichées dans la terre, qui frémissent et vibrent sur leur tige d’acier. C’est lui qui a dit : « Qui a du fer a du pain »