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Je n’ai jamais eu, devant moi, tant de douceur et de sérénité.


Le soir.

La petite chambre qui est au bout du dortoir, et où les maîtres d’étude peuvent, à leurs moments de liberté, aller travailler ou rêver, cette chambre-là donne sur une campagne pleine d’arbres et coupée de rivières.

Dans l’haleine du vent arrive un parfum de mer qui me sale les lèvres, me rafraîchit les yeux et m’apaise le cœur. À peine il palpite, ce cœur-là, à l’appel de ma pensée, comme le rideau contre la fenêtre sous un souffle plus fort.


J’oublie le métier que je fais, j’oublie les moutards que je garde… j’oublie aussi la peine et la révolte.

Je ne tourne pas la tête du côté où mugit Paris, je ne cherche pas, à l’horizon, la place fumeuse où doit être le champ de bataille — j’ai découvert dans le fond, tout là-bas, une oseraie et un verger en fleurs, sur lesquels je fixe mon regard humide et que je sens plus doux.


Oui, ceux de l’Odéon avaient raison : Sacré lâche !

Quand je sors du collège, je me trouve dans des rues tranquilles et endormies, et je n’ai que cent pas à faire pour arriver à un ruisseau que je longe en ne pensant à rien, en suivant d’un œil assoupi un