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dans le pré, le champ ou le cimetière, où l’on rencontre l’ennemi tout d’un coup ?


Chaque jour, des détachements prennent le chemin des gares, mais c’est plutôt une cohue qui se débande que des régiments qui défilent ! Ils roulent en flots grossiers, avec des bouteilles en travers de leur sac.

Et moi je sens, à l’hésitation de mon cœur, que la défaite est en croupe sur les chevaux des cavaliers, et je n’augure rien de bon de tous ces bidons et de ces marmites que j’ai vus sur le dos des fantassins.

Ils s’en vont là comme à la soupe… J’ai idée qu’il y pleuvra des obus, dans cette soupe, pendant qu’on pèlera les pommes de terre et qu’on épluchera les oignons.

Ils feront pleurer, ces oignons-là !


Personne ne m’écoute.

C’est la même chose qu’en Décembre, lorsque je prédisais la dégringolade. On me répondait alors que je n’avais pas le droit de décourager ceux qui auraient pu vouloir se battre.

On me crie à présent : « Vous êtes criminel et vous calomniez la Patrie ! »

Un peu plus, on me conduirait à la Place comme traître !