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Passage Masséna.

Rigault, moi, quelques autres, nous avons fait trou dans la multitude, qui s’est ouverte devant nous.

Elle n’y met pas d’orgueil et ne se plaint pas d’être dépassée. Aux heures de décision suprême, elle aime à voir marcher en avant d’elle, écriteaux vivants, les personnalités connues qui portent un programme attaché, comme une enseigne, entre les syllabes de leur nom.


Que se passe-t-il ?


Un colosse, debout sur une chaise de paille, défend, de sa parole et de ses poings, la grille du passage contre l’avant-garde du cortège.

C’est l’aîné, celui qui, l’autre soir, consentait à livrer son frère tout chaud pour chauffer l’insurrection.

Il s’est refroidi en même temps que le cadavre.

Et aujourd’hui il refuse le cercueil à Flourens qui, pâle et la flamme aux yeux, le réquisitionne pour le service de la Révolution et veut que le convoi traverse tout Paris — parce qu’avec le timon du corbillard on pourra battre en brèche, comme avec un bélier à tête de mort, les murailles des Tuileries.

Elles peuvent s’écrouler avant la nuit si l’on empoigne l’occasion, si l’on retourne du côté du Père-Lachaise, la bride des chevaux tournée du côté du cimetière de Neuilly.