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tout à l’heure, nous ne serons pas pris en écharpe par une fusillade partie d’une maison aux portes closes, aux volets fermés, dès le premier cri contre l’Empire que jettera un ardent ou un vendu !

— Mais tant mieux ! me dit un voisin à masque de carbonaro. La bourgeoisie est sortie de ses boutiques, s’est jointe au peuple. La voilà notre prisonnière, et nous la retiendrons devant la bouche des canons jusqu’à ce qu’elle soit étripée comme nous. C’est elle, alors, qui hurlera de douleur et donnera, la première, le signal de l’insurrection. À nous d’escamoter le mouvement et de mitrailler toute la bande : bourgeois et bonapartistes mêlés !


Une figure grave s’est tournée vers nous, une main ridée s’est posée sur mon bras. C’est Mabille, qui vient d’arriver juste à temps pour entendre la théorie de l’algébriste du massacre et qui, de sa face grise, approuve.

Je lui demande s’il est armé.

— Non. Il vaut bien mieux qu’on m’assassine sans que j’aie de quoi me défendre. Les sentimentalistes feront des phrases sur le vieillard sans armes, tué par des soldats ivres ! Ce sera bon, croyez-moi !… Ah ! si le sang pouvait couler ! a-t-il conclu, avec de la douceur plein ses yeux bleus.

— Nous n’avons qu’à tirer les premiers.

— Non ! non ! Il faut que ce soient les chassepots qui commencent.