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arbres dressent leurs branches noires et nues, au-dessus de maisons neuves qui respirent la tranquillité et sentent le plâtre.


— Passage Masséna : c’est ici !

L’aîné vient à nous. Nos yeux l’interrogent, son silence nous répond.

Sans mot dire, il nous conduit dans une chambre qu’envahit l’ombre, et nous met en présence du mort.


Il est étendu sur le lit non défait, le visage presque souriant. Il a l’aspect d’un énorme poupon qui dort ; l’air aussi, avec ses mains encore gantées de chevreau noir, d’un garçon d’honneur monté pour faire la sieste, tandis que la noce s’amuse au jardin.

La taille est prise dans un pantalon de casimir qu’il avait acheté à la Belle Jardinière — le faraud ! — pour les grandes cérémonies ; et le plastron de sa chemise colle sur son large torse, sans une cassure, mais moucheté dans un coin d’une tache bleue. C’est la balle qui a fait cette tache-là en entrant dans le cœur.


— Il n’a pas eu l’agonie terrible ?

— Non, mais il faut lui faire de terribles funérailles.

Et les mots de sortir, pressés et brûlants, de nos lèvres sèches d’angoisse.