Page:Vallès - L’Insurgé.djvu/152

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui dit Gnouf ! Gnouf ! entre deux tirades sur la Convention.


Sec comme un cent de clous, les bras comme des allumettes, les tibias comme des fuseaux, les jointures en fil de fer, et grimaçant et claquant comme un lot de pantins de bois à la porte d’un bazar. Drôle à tuer, dans ce rôle de bouffon féroce, devant la table du café où il entasse des bocks que le comptoir n’a pu défendre contre ses demandes comiques et menaçantes !

— Si tu mets un faux col, je te mettrai une cravate de chanvre. Si tu n’en apportes pas deux autres, pour moi et la citoyenne — bien tirés ! — on te coupe le cou à la Prochaine. Arrose le peuple et dépêche-toi !

Le pauvre cafetier se dépêche, en se passant instinctivement le revers de la main sur la nuque.

Gnouf ! Gnouf !


Mais, en public, Gnouf Gnouf arrive avec une tête de décapité parlant. Il monte gravement les marches de l’estrade, riboulant des prunelles, fronçant le sourcil, les trois poils safran de sa barbiche tombant en garde, serré dans une redingote qui l’étrique et dont ses os crèvent le drap, avec un pantalon en amadou brûlé, dont les mollets tirebouchonnent sur des bottines de femme en coutil gris. Son pied de