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en science sociale

La vérité est toute différente. Plus une intelligence est riche d’idées, plus elle est capable de juger et de juger sainement ; des faits les plus pauvres, un esprit très cultivé, très averti, très assoupli à la vie réflexive, saura dégager des considérations fécondes. Non seulement il nous est aussi impossible d’étudier quoi que ce soit sans aucune « idée préconçue » que de continuer d’être sans avoir été, non seulement nous ne pouvons pas ne pas avoir de sensibilité ni notre sensibilité, ne pas avoir de jugement ni notre jugement, mais il est indispensable de posséder des idées préalables, un acquis antérieur, un capital intellectuel, pour tenter avec fruit l’exploration, le défrichement et la mise en valeur de l’inconnu ; cela n’est possible qu’à celui qui est pourvu d’un matériel d’idées, d’un outillage de connaissances et d’une expérience personnelle. Une telle condition est commune à toutes les recherches, de quelque ordre qu’elles soient. Sans doute, nous risquons toujours de sacrifier le réel à l’imaginaire, l’expérience au système, le fait nouveau aux idées déjà fixées ; nous devons donc nous efforcer d’éviter cette cause d’erreur en nous servant de notre acquis au lieu de le servir. Mais nous ne pouvons pas plus nous dépouiller de notre personnalité et de notre science que tenter de