Page:Valdour - La méthode concrète en science sociale.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
66
la méthode concrète

La pratique de ma méthode m’a rapidement montré le mal fondé de ces réserves. Ce qui est exact, c’est que l’on ne peut jamais connaître à l’avance le rendement possible d’une expérience de vie ouvrière : il peut être rapidement abondant, ou presque nul même après un temps très long. L’observateur peut se trouver en contact avec des compagnons insignifiants ou avec des compagnons taciturnes, soit par nature, soit par esprit de soupçon ; il n’en tirera rien. Ses camarades de travail peuvent être, au contraire, très expansifs. Les conditions objectives du travail peuvent faciliter ou empêcher les bavardages ; les événements, politiques ou autres, les alimenter ou faire défaut ; une circonstance particulière, imprévisible, susciter une observation exceptionnellement typique, faire jaillir un trait révélateur, digne d’être marqué d’une croix. La vie de famille, dans les petites localités, ne permet guère la fréquentation, hors de l’atelier, des compagnons de travail ; la camaraderie au dehors est, au contraire, aisée dans les grandes villes, grâce à leur population flottante. Même le mutisme peut révéler quelque chose, et quelque chose de plus que le caractère fermé des ouvriers d’un certain métier ou d’une région donnée : une expérience négative enveloppe parfois certaines informations