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la méthode concrète

vation vécue. Ils s’ingéniaient alors à ménager divers moyens de m’y soustraire temporairement « Venez du moins, le soir, diner avec nous, passer la soirée au café, au cercle… » Ils conservaient toujours l’arrière-pensée de transformer l’observation sérieusement et scrupuleusement vécue en un essai superficiel d’amateur ; ils visaient à substituer une sorte d’externat à l’internat de vie ouvrière. Ils ne se rendaient compte, ni de l’impossibilité physique de mener de front ces deux existences si différentes, d’ajouter à la fatigue du travail manuel la fatigue de la conversation, de la veillée, de la vie de représentation ; ni de l’impossibilité matérielle de faire une étude profitable lorsqu’on ne dispose plus d’une heure, le soir, pour rédiger ses impressions de la journée ; ni enfin de l’impossibilité morale de connaître la vie de l’ouvrier lorsqu’après l’avoir traversée pendant quelques heures on s’attache à la fuir. Il importe au contraire par-dessus tout que l’on s’y enfonce et que l’on s’en pénètre, ce qui exige, tant que l’expérience dure, la continuité de l’expérience. C’est là une condition capitale d’application de la méthode concrète. Il y a diverses raisons pour que ces expériences ne durent pas un temps trop long : parce qu’il convient d’éviter de se diminuer,