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remettant au travail en silence, et enfin, après quelques moments d’une réserve lourde de réflexions, ajoutant à voix plus base : « Vous êtes instruit, vous !… Où donc avez-vous appris toutes ces choses ?… » Je n’aurais jamais cru qu’il fût aussi facile d’acquérir, auprès de camarades intelligents, jeunes, encore peu éloignés du temps où ils fréquentaient l’école, un brevet de science et de supériorité intellectuelle. Mais cela explique aussi, d’une part, que des meneurs, frottés de quelques bribes de savoir primaire, puissent acquérir une si redoutable et si néfaste influence sur ce malheureux troupeau, et, d’autre part, que certains ouvriers, nourris de quelques journaux, livres ou discours, se croient sur tout le monde la supériorité que la comparaison de camarades plus ignorants les détermine à s’attribuer. Ce dernier cas est plus fréquent à Paris où les réunions publiques abondent, où les quotidiens sont très lus, où l’on mène une vie plus extérieure et où l’érudition de comptoir sévit chez les ouvriers comme, dans les classes moyennes, l’élégance et l’esprit « terrasse de café » : un certain dimanche, près Courbevoie, (je n’étais pas vêtu en ouvrier), un ouvrier mécanicien voulut bien m’enseigner les idées de l’Émile et du Contrat social, avec une pitoyable assu-