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LES FONCTIONNAIRES CIVILS

contrer des natifs capables de remplir dignement de hauts emplois. Eussent-ils même l’énergie, les pouvoirs intellectuels nécessaires, ils seraient dépourvus de cet amour de la vérité, de ce culte du devoir, de cet instinct du point d’honneur, aussi nécessaires au magistrat qu’à l’officier. Ce sont là sentiments inconnus à la race indienne ; quiconque a la moindre expérience de ses mœurs l’avouera sans hésiter. En présence de ces faits, comment donc conseiller à l’Angleterre d’ouvrir les hauts grades de son armée ou les rangs du service civil aux hommes de l’Inde ?

Il est d’autres faits encore que l’on ne saurait passer sous silence. Les événements des vingt dernières années, années pleines d’épreuves, de succès mêlés de revers, ont donné une juste idée de la fragilité des bases sur lesquelles repose la puissance anglaise dans l’Inde. Pendant les désastres de Caboul, les campagnes incertaines du Punjab, on a pu facilement se convaincre que les sympathies populaires de l’Inde étaient avec les Afghans et les Sicks, et non pas du côté des Anglais. C’est en vain que la conquête anglaise a tiré l’Inde de l’abîme des guerres civiles et des révolutions, que sous son influence la fortune publique a augmenté dans des proportions prodigieuses ; tous les bienfaits d’un gouvernement régulier : la liberté individuelle, la sécurité parfaite de la propriété, les grands travaux publics qui sillonnent aujourd’hui le pays, n’ont inspiré aux populations ni affection ni reconnaissance. Pour elles, l’Anglais a été, il est et sera toujours le maître, sinon l’ennemi ;