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DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

maines de la Begum-Sumroo, femme vraiment extraordinaire, dont il ne sera peut-être pas hors de propos de dire ici quelques mots.

Il y aurait sans contredit un sujet d’histoire émouvante et romanesque dans la vie de cette femme de rare intelligence et de robuste énergie, qui prit une part active aux luttes dont fut précédée la dissolution du vaste empire des Mogols. Fille mahométante de la caste des Squadanees, qui s’enorgueillit de descendre duprophète, elle épousa, fort jeune, un aventurier de Saltzbourg du nom de Reinhard, auquel sa morne contenance avait fait donner le sobriquet de Sombre. Ce Reinhard, venu dans l’Inde comme soldat d’un régiment français, passa d’abord au service anglais, puis à celui de divers princes natifs, et à l’époque de son mariage, il commandait plusieurs bataillons européens composés de ce rebut d’aventuriers qui se réunissent autour des empires à l’agonie, comme les vautours autour des cadavres, troupes turbulentes toujours prêtes à vendre leurs services au plus offrant, et qui, au jour de la bataille, attendent prudemment, loin du feu, que la victoire ait prononcé entre les combattants. Reinhard mourut en 1778, et le vœu des officiers et soldats porta au commandement du bataillon sa femme, la Begum-Sumroo, à l’exclusion d’un fils du premier lit laissé par Reinhard, homme d’une incapacité notoire. Dans ce poste périlleux, où elle fut confirmée par l’empereur Schah-Allum, la begum eut souvent à donner des preuves d’une résolution toute virile. Une fois entre autres, l’officier chargé du com-