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LES ANGLAIS ET L’INDE.

mitifs dont se recrutent ses légions, ce prodige dépasse la science politique des conseillers corrompus et ignorants qui dirigent les affaires du royaume d’Oude ; et ses pauvres soldats, souvent en arrière de plusieurs années de paye, avant de penser à se couvrir le ventre, doivent exercer toute leur industrie pour arriver à le remplir.

Déguenillée comme elle l’est, l’armée n’est pas toutefois la partie la plus vicieuse de la chose publique dans le royaume d’Oude. La perception des impôts ne peut s’accomplir qu’avec l’aide de la force militaire ; toutes les routes sont infestées de scélérats de la pire espèce. Quelques jours seulement avant mon arrivée, on était parvenu à saisir un chef de’voleurs connu sous le nom de Jaggernauth-Chuprassee, dont depuis plus de dix ans les crimes répandaient dans la contrée la terreur et la désolation. Ce monstre, qui avait commencé sa carrière par un fratricide, se livrait envers ses victimes à des cruautés qui dépassent l’imagination. Enterrer ses prisonniers vivants, leur remplir de poudre la barbe, les cheveux, les narines, les oreilles, et y mettre le feu, c’étaient les pratiques constantes et favorites de cette bête fauve. Quelques jours avant d’être arrêté, il avait coupé les index d’un captif et envoyé ce sanglant message à sa famille, en ajoutant qu’elle recevrait sa tête, si à un jour donné il ne lui avait pas été payé une rançon de 400 roupies, menace que son arrestation l’empêcha d’exécuter. Il est facile de comprendre qu’un pareil état de choses rende tout progrès impossible, et que les ter-