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DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

vent des boutiques misérables de tissus, de verroteries, de grains, que dans des antres obscurs des marmitons presque nus, d’un aspect diabolique, cuisinent toute sorte de mets impossibles. Telle est à peu près la physionomie de ces rues où le voyageur, sous une indicible impression de tristesse, salue d’un regard ami la forme et la couleur des pommes de terre amoncelées en lots à Fétalage des marchands de légumes, seuls vestiges de civilisation européenne qui s’offrent à ses yeux dans cette cité d’un autre âge !

C’est en circulant à travers ces rues étroites, au milieu d’une population de femmes voilées, de pèlerins à moitié nus, de fakirs plus nus encore, de lépreux, d’aveugles, de mendiants du plus dégoûtant aspect, que l’on arrive au temple connu sous le nom de Vishvayesa, et l’un des plus fréquentés de la ville : temple formé de plusieurs pavillons de pierre rouge, aux bizarres sculptures, aux dômes dorés, réunis dans l’enceinte d’une muraille. L’intérieur de l’édifice présente le plus singulier assemblage de bœufs sacrés, de fidèles ahuris qui courent à travers les galeries en s’aspergeant d’eau et en poussant incessamment, avec les plus étranges modulations, le cri : Ram, ram. Une boue épaisse couvre le sol dallé ; vingt cloches sont en branle. À la porte d’un des pavillons où je me présente se dresse devant mes yeux, comme une effrayante apparition, un nègre littéralement nu, la face rongée d’un hideux ulcère, qui d’un geste bienveillant m’engage à en franchir le seuil. L’aspect dégoûtant de cette repoussante bête,