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DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

lets, et l’on assure que l’un de ces scélérats a mené victorieusement pendant plusieurs années cette épouvantable industrie en s’affublant d’une peau de crocodile. Souvent aussi des fanatiques viennent chercher une mort volontaire au milieu du fleuve sacré, suicide qu’ils accomplissent en Rattachant autour du cou de grandes jarres de terre. Ainsi équipés ils s’abandonnent au courant de la rivière, et apprennent bientôt par expérience que « tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle s’emplit. » La scène pleine de mouvement que j’ai tenté d’esquisser, scène digne de l’étude d’un peintre qui voudrait représenter l’Inde des brahmes sous ses plus éclatantes couleurs, se reproduit jusqu’aux murs de la mosquée d’Aurengzeb ; mais du haut des minarets de ce temple, la cité sainte se présente sous un tout autre aspect. Toutes les maisons de la ville avec leurs toits plats se déploient en une immense surface sous vos pieds ; les cours des maisons sont toutefois si étroites, les rues sont si profondes, que cet immense amas de pierres habité par plus d’un million d’individus n’offre aux yeux qu’une vaste solitude, un désert, animé seulement par quelques bandes de perroquets et de pigeons, hôtes familiers des minarets de la grande mosquée.

Les rues les plus étroites, les plus sombres, les plus infectes de Londres et de Paris ne sauraient donner une idée des rues de Bénarès. De hautes et sinistres maisons presque sans fenêtres, à porte basse, bordent tristement un fond de dalles humides que le soleil n’éclaire jamais. Partout une odeur de sentine, quelque chose d’op-