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LES ANGLAIS ET L’INDE.

verra jamais aux prises avec une race métis humiliée, énergique et ambitieuse ; mais, pour ne tirer que les conséquences immédiates de ce fait singulier de l’ordre physique, il faut conclure qu’aujourd’hui, pas plus qu’aux premiers jours de la conquête, l’Européen n’a pris racine sur le sol de l’Inde, et que de tous les membres de la communauté anglo-indienne, officiers civils et militaires, marchands et spéculateurs, il n’en est pas un seul qu’un héritage inespéré ou une belle spéculation ne ramenât immédiatement en Europe. Aussi, au milieu de cette population de transition, de ces exilés qui n’ont jamais planté un arbre dans l’espérance de jouir de son ombrage ou d’en faire jouir leurs enfants, de ces générations qui se suivent et se remplacent comme les flots de la mer à une haute marée, hommes et choses atteignent promptement une vieillesse prématurée, et l’on ne doit pas s’étonoer que les souvenirs et les traces de la société des premiers jours de la conquête soient plus rares à Calcutta que ne le sont en Europe les souvenirs et les traces de la société du moyen âge.

Société étrange cependant, race brutale et généreuse, prompte au bien et au mal, prête à tous les sacrifices et à tous les excès, que celle de ces vieux nababs dont les caractères excentriques semblent empruntés au roman ou à l’histoire des boucaniers : non pas que, laudator temporis acti, je veuille jeter la pierre à la génération du jour et à ses sages plaisirs, les thés religieux, les distributions de bibles polyglottes et les bazars philanthropiques, en exaltant outre mesure les rudes compa-