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DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

l’Inde. À soixante ans au plus, qui a échappé aux dangers du climat et de la guerre va demander à l’Europe un asile pour ses vieux jours. Aussi ne rencontrez-vous jamais dans la société anglo-indienne de bonnes dames causeuses ou de vieux officiers heureux de revivre de souvenir à leurs beaux jours et d’en transmettre les traditions à la jeunesse. Disons aussi que, plus encore aujourd’hui qu’au temps passé, grâce aux promptes communications avec l’Europe, l’Inde n’est qu’un lieu d’exil, une Sibérie tropicale sur le sol de laquelle l’Européen ne s’acclimate pas, et qu’il quitte du jour où il a assuré le pain de sa vieillesse ou de son âge mûr. Sans doute il est des familles dont plusieurs générations ont passé dans les rangs du service de l’honorable compagnie, mais, même pour ces officiers héréditaires, sans exception d’ailleurs élevés dès leur bas âge en Europe, l’Inde n’est jamais qu’une terre étrangère ; leur patrie, la terre des souvenirs de leur jeunesse, leur home, c’est l’Angleterre. Quant aux familles que les liens du sang rattachent au sol, aux enfants d’Européens et de natives, désignés dans le pays sous le nom d’Eurasians, cette race frêle et chétive s’abâtardit dès les premières générations. Il ne faut pas toutefois méconnaître, au point de vue politique, l’importance de cette impossibilité de fusion entre la race conquérante et la race conquise. L’élément de dissolution qui a amené la ruine de toutes les colonies européennes n’a point acquis jusqu’à ce jour dans l’Inde des proportions redoutables, et il est plus que probable que la domination anglaise ne s’y