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DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

la jungle, et nous marchâmes à l’ennemi dans un profond silence, suivis d’une queue de natifs, attirés par la curiosité du spectacle.

À peine en mouvement, nous levâmes un cochon sauvage qui fut respecté de tous les chasseurs, sans que notre bienveillance lui rendît grand service, car à peine avait-il disparu sous les hautes herbes, que nous l’entendîmes pousser des cris désastreux assez semblables à ceux d’un lièvre à l’agonie. Le pauvre diable de cochon dans sa fuite venait de tomber sous les griffes du tigre. La chose ne lui souriait que médiocrement, à en juger par ses cris frénétiques. Les chasseurs suivaient tous les détails de cette scène avec une haletante curiosité, lorsque les éléphants firent entendre un cri d’alarme dont je ne saurais donner une meilleure idée qu’en le comparant au sifflet d’une machine à vapeur, lorsque l’eau gazéifiée s’en échappe ; ils battirent ensuite le sol de leurs trompes, qu’ils replièrent soigneusement au-dessus de leurs têtes. Ces préparatifs de combat, suggérés par l’instinct naturel à nos montures, étaient des indices certains du voisinage de l’ennemi. Ce fut un moment solennel, un moment d’émotion que je me rappellerai toute ma vie. J’étais à l’extrême gauche dans un howdah, porté par le Rosier Fleuri, en compagnie de mon ami le capitaine J… Une première fois je vis couler sous l’épais branchage des palmiers quelque chose de fauve, mais prudemment je gardai mon feu. La fortune me récompensa de ce sang-froid en me montrant le tigre, à la plus belle portée, dans une clairière, qui