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LES ANGLAIS ET L’INDE.

accourus des quatre points cardinaux, viennent s’accroupir sur trois ou quatre rangs, à vingt pas des déjeuneurs, et là, immobiles et muets, dévorent de leurs grands yeux noirs les visages pâles dont l’étrange accoutrement et l’appétit homérique défraieront pour de longues soirées sans doute la causerie du village.

Comme je l’ai dit plus haut, les membres du Tent’s club font non-seulement la guerre aux cochons sauvages, mais encore au roi des forêts, au tigre lui-même. Ma première rencontre avec ce héros de la jungle m’a laissé de si profonds souvenirs que je prendrai la liberté, sans la moindre arrière-pensée toutefois de concurrence au brave capitaine Gérard, de donner un daguerréotype complet de ce jour solennel de ma vie de sportsman. Dans les premiers jours de janvier 1853, le télégraphe électrique qui relie Calcutta à Diamond-Harbour annonçait assez régulièrement qu’un tigre, réfugié dans le voisinage, avait croqué son homme. Une chasse à sa poursuite fut organisée par le Tent’s club, et je m’y rendis comme hôte de mm digne ami F… Le samedi 15 janvier fut un jour de buissons creux, et le dimanche tirait à sa fin sans que nous eussions eu des nouvelles du gibier, quand des natifs vinrent nous avertir que des pas frais de tigre avaient été vus dans une jungle peu distante, aux bords du fleuve. Cette jungle, formée de palmiers nains, de trois pieds et demi de haut environ, s’étendait sur un espace d’environ trois quarts de mille de long sur un quart de mille de large. Les éléphants furent disposés en ligne, à intervalles égaux, à travers