Page:Valbezen - Les Anglais et l’Inde, 1857.djvu/345

Cette page n’a pas encore été corrigée
335
DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

commerciaux, les distinctions de la peau, ont divisé la société de Calcutta en coteries pleines de rivalités, où la déesse de la discorde règne en souveraine et exige, comme holocauste de toute réunion, le sacrifice d’un dindon et d’un jambon arrosés de Champagne : le dindon, le jambon et le Champagne formant une véritable trinité symbolique de l’hospitalité anglo-indienne. De là une monotonie, dans le peu de plaisirs que se donnent les Européens de Calcutta, une absence de vie, de gaieté, dans les réunions dont je ne peux donner une meilleure idée qu’en citant le fait d’un beau jeune homme servant un soir à une société de vingt personnes, en intermède musical d’après-dîner, le chant de la Marseillaise, et qui, debout près d’un piano, exhalait l’hymne républicaine de la même voix dolente dont il eût soupiré une romance de troubadour. Mais au lieu de nous arrêter plus longtemps à des plaisirs assez peu réjouissants, il est mieux de piquer droit au Bengal club, le club le plus fréquenté de Calcutta, où l’étranger peut admirer avec quelle supériorité la race anglo-saxonne comprend et pratique la vie en commun entre hommes.

Il est huit heures ; le dîner est servi dans une salle à manger aux murs revêtus de stuc et magnifiquement éclairée, La table, couverte de cristaux et d’argenterie, est soumise à l’action d’énormes punkhas (éventails) qui caressent d’une brise délicieuse la tête des convives. Derrière la chaise de chaque dîneur, un domestique au teint cuivré, en robe et en turban blanc. Toutes les fenêtres sont ouvertes, il y en a au moins dix-huit, et au