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DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

vous ignorez même où demeurent des hommes à vos gages depuis des années. Arrivés le matin, ils vous quittent le soir sans que vous sachiez ni d’où ils sont venus ni où ils vont, car il y a entre l’Européen et l’Hindou une muraille plus que chinoise, que des relations de tous les jours, même pendant des années, ne sauraient franchir. Dussiez-vous rester vingt ans dans l’Inde, ce que je ne vous souhaite pas, ami lecteur, vous ne verrez jamais de l’Indien que l’écorce, ce que l’on en voit dans les rues, et rien au delà. La chose ne manque pas d’originalité à certains jours.

Aux fêtes, par exemple, de la Churuck Poojah, déesse d’assez mauvais renom, qui se célèbrent dans le mois de chaitrac, le dernier mois de l’année hindoue, fin mars et mi-partie avril, du matin au soir et du soir au matin les roulements du tambour, les éclats des tam-tams, les sons discordants des clarinettes, le bruit confus de mille voix humaines, annoncent les processions étranges qui sillonnent incessamment les rues. En tête de la bande, des tambours empanachés de plumes d’autruche, des fifres, des violes à corps de citrouille, tous ces instruments malfaisants dont la sauvage harmonie poursuit vos oreilles jusque dans les retraites les plus profondes. Vient ensuite un cortège de personnages fantastiques dont le crayon le plus extravagant ne saurait donner qu’une faible idée, et au milieu duquel s’avancent les sannyassis, héros de la fête dignes à tous égards de ce bizarre entourage. Celui-ci s’est passé au travers du bras une longue pique ; de la bouche de cet autre sort une