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DEUX MOIS SUR LE GREAT-TRUNK-ROAD.

d’art que les monuments de Trafalgar square. Il y a surtout vers les bazars une colonne dédiée au général Ochterlony, surmontée d’un melon colossal, unique en son genre et de l’effet le plus prodigieux. Malgré l’imperfection de ces tentatives monumentales, le premier aspect de Calcutta est réellement splendide ; mais il ne faut pas s’aventurer de vingt-cinq pas, en dehors des limites des quartiers élégants, si l’on ne veut tomber des palais dans des huttes aussi misérables que peuvent l’être celles des habitants de Tombouctou. Ici la civilisation, là la barbarie ! Voici le xix e siècle sous les espèces d’un bel équipage et d’une jeune miss parée des dernières modes de Paris ; cet Indien à moitié nu, monté sur un char primitif et criard, appartient au siècle du roi Porus, des conquêtes de Bacchus, des équipées terrestres du dieu Brahma, que sais-je ?

Le contraste est surtout frappant le jeudi soir à la promenade des bords du Gange. Au milieu d’un joli jardin, la musique d’un régiment de l’armée royale en galant uniforme jette aux échos les harmonies de Rossini ou de Meyerbeer. Aux alentours est rassemblée une cohue de dandies à cheval, de briskas et de phaétons remplis de femmes élégantes qui savourent à la fois la brise du soir et les mélodies européennes. Appuyez un peu sur la gauche, à cinquante pas d’un chapeau de madame Laure ou d’un cheval de pur sang, aux bords de la rivière, une foule cuivrée fait ses ablutions dans les eaux sacrées ; et si vous regardez bien au milieu des flots, vous découvrirez sans doute quelque cadavre