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LES ANGLAIS ET L’INDE

donc capable de tenir un secret ? » dit le jeune général. Et sur les protestations emphatiques de son interlocuteur, il se contenta de répondre : « Et moi aussi (and so I am). » Mais peu d’hommes étaient capables de pareils traits de probité, et la corruption des employés menaçait de ruiner la fortune naissante de l’Angleterre dans l’Inde, lorsque lord Cornwallis comprit, avec la sagacité d’un homme d’État et la libéralité d’un grand seigneur, que le seul moyen d’attaquer le mal dans sa racine, de donner aux agents la force de résister aux tentations corruptrices qui les environnaient de toutes parts, c’était de faire du service de l’Inde le service le mieux rétribué du monde. C’était aussi le moyen d’attirer dans les rangs de la compagnie des jeunes gens d’élite ayant puisé dans des familles honorables des principes solides de moralité, jeunes gens qui en étaient jusque-là restés éloignés. Tels étaient à cette époque les dangers et les privations du voyage, la mauvaise renommée des employés, leurs occupations mesquines et exclusivement commerciales, que la compagnie ne voyait guère arriver dans ses rangs d’autres recrues que des aventuriers décidés à marcher à la fortune, n’importe par quel chemin. Au milieu de ces derniers, de grands hommes d’État se révélèrent sans doute : lord Clive et Warren Hastings, par leur heureuse audace, leur profonde intelligence du caractère natif, commencèrent sur de largesbasesl’édificedela puissance anglaise dans l’Inde ; mais ces esprits éminents eux-mêmes, éloignés de l’Angleterre depuis leur enfance, avaient dépouillé en grande partie ces instincts honnêtes, cette