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LES ANGLAIS ET L’INDE

raient honneur aux coulissiers les plus roués de Londres ou de Paris. En voici un exemple. Il s’engage entre les spéculateurs sur l’opium à Calcutta, — de même qu’en Europe entre les spéculateurs sur les valeurs publiques, — des marchés à terme qui se liquident en fin de mois par une différence dont le prix moyen de l’opium au jour de la vente publique détermine les limites. En 1846, un spéculateur s’était engagé à livrer une quantité considérable d’opium à un prix assez bas ; des nouvelles favorables de Chine arrivèrent sur ces entrefaites, et quelques jours avant la vente il ne put se dissimuler qu’il aurait à subir des pertes considérables. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il imagina, pour sortir de ce mauvais pas, de mettre à profit le règlement de la vente en vertu duquel les enchères étaient limitées à 5 roupies, et l’adjudication close au coucher du soleil. Par son ordre, des courtiers poussèrent la première caisse d’opium de 5 en 5 roupies de manière à prolonger la vente jusqu’aux limites du temps réglementaire sans qu’une seule adjudication pût être faite. La première caisse mise en vente atteignit ainsi, au milieu de la stupéfaction universelle, la somme fabuleuse de 147,000 roupies. Le temps prescrit pour la clôture étant arrivé, et les enchérisseurs ne s’arrêtant pas dans leurs offres extravagantes, le magistrat qui présidait dut déclarer la vente remise au jour suivant, sans qu’il eût été vendu une seule caisse d’opium. Le spéculateur échappa donc, par cette ruse hardie, aux désastres de son marché, car il ne fut pas possible de fixer un