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EXPORTATIONS ET IMPORTATIONS.

bizarres amenés par l’inondation de chaque année dans la configuration des terrains ; en l’absence de toute autorité supérieure administrative ou légale, doit-on s’étonner que l’industrie de l’indigo, à ses débuts dans le Bengale, soit pleine d’incidents étranges et romanesques, qui semblent empruntés aux histoires du moyen âge ou des boucaniers ? Véritable seigneur féodal, à la cotte de mailles et au casque près, le planteur des premiers jours s’entoure d’une bande de coupe-jarrets qu’il mène en personne, ou qu’il envoie, sous la conduite de quelque âme damnée, guerroyer contre ses voisins ou ses vassaux. Ensemencements et récoltes faits par la violence, factoreries envahies et ruinées, rencontres sanglantes entre parties adverses, longue serait la liste des méfaits que la culture de l’indigo provoqua en ces contrées lointaines. Ces guerres intestines prirent de telles proportions que le conseil de l’Inde pensa sérieusement à promulguer une loi draconienne, en vertu de laquelle quiconque aurait profité d’une expédition à main armée serait puni d’une amende et de six mois de prison. Une anecdote de l’authenticité la mieux établie donnera une idée assez exacte de ce singulier état de choses.

Un planteur d’indigo s’était installé dans un district éloigné, où son exploitation avait donné des résultats si favorables, qu’un autre planteur, attiré par le succès du premier occupant, vint élever dans le voisinage les bâtiments d’une usine rivale. Le premier planteur, gêné par cette concurrence, fit d’abord prier civilement son voisin de déguerpir ; puis, comme celui-ci ne tenait