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CRIMES ET CHÂTIMENTS

voit se renouveler la douzaine de sauvages qui portent sur leurs épaules son palanquin et son bagage, et il est cependant sans exemple qu’une femme blanche ait été insultée d’un mot, d’un geste ! »

Ces questions, pour rendre hommage à la vérité, je fus obligé de les résoudre toutes à l’honneur des hommes de l’Inde, et de convenir que j’avais poussé un peu loin la fougue de mes invectives. Et en effet comment, avec les idées et les habitudes de l’Europe, ces idées et ces habitudes qui, malgré nous, exercent une influence toute-puissante sur nos jugements, parler d’une manière impartiale et vraie de cette société où les siècles ont amoncelé tant d’éléments absurdes et bizarres, de ces hommes dont les mœurs et les instincts diffèrent autant des nôtres que leur peau cuivrée diffère de notre peau blanche ? De plus, entre l’Européen et l’homme de l’Inde, les relations sont sans intimité, toutes superficielles ; toujours et partout le natif échappe à l’observation, à l’analyse : de l’homme vous ne voyez que l’écorce ! Vous ignorez même si des domestiques blanchis à votre service sont bons pères, bons époux, accessibles aux devoirs de la famille, aux joies de l’amitié : car la vie intime de la race asiatique est ainsi faite, qu’un voile impénétrable la protège contre la curiosité de l’étranger ; et si, par aventure, il en saisit quelques détails, ses observations tombent sur quelque crime plus ou moins horrible que la vindicte des lois a mis en lumière. En de pareilles conditions d’incompétence, prononcer un jugement absolu sur Ja moralité des po-