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LES ANGLAIS ET L’INDE

quelques mois, s’est armé avant d’entrer dans l’enceinte de la prison), le condamné de l’Inde ne présente pas ce front désespéré, marqué du signe de Caïn, que l’on retrouve chez les habitants des bagnes et des prisons du continent civilisé. Calme et résigné, il vaque en silence à ses occupations, et porte sans honte, sans remords et sans effronterie le pagne et les deux anneaux reliés à une chaîne qui composent la livrée de la prison. Ma qualité d’étranger me donnait des titres à être admis auprès des lions de l’endroit. Ils réapparurent d’abord sous les espèces de dix-sept thugs, qui à un signal vinrent s’accroupir autour de moi en posture de singes assis sur leurs queues, cette posture favorite et inexpliquée de l’homme de l’Inde. Je ne crois pas parler trop avantageusement de mes mœurs en affirmant ne m’être jamais rencontré en plus mauvaise compagnie, car de ces dix-sept thugs le plus innocent avait au moins sa douzaine de meurtres sur la conscience. C’étaient d’ailleurs presque tous des personnages à longue barbe blanche, aux traits austères, qui eussent offert des modèles très-convenables à un peintre curieux de reproduire sur la toile de respectables têtes de vieillards, Pères de l’Eglise, ermites ou patriarches. L’on me conduisit ensuite vers des cellules où se trouvaient enfermés, soumis à l’emprisonnement solitaire, quelques caractères indomptables de la prison. Jamais je n’oublierai les traits d’un des hôtes de ces sombres repaires, un homme de trente ans environ, de haute stature et d’une admirable figure, qui, de la