Page:Valbezen - Les Anglais et l’Inde, 1857.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée
198
LES ANGLAIS ET L’INDE

un fakir dont les dattureas avaient empoisonné le fils pour s’emparer d’une couverture d’une valeur de 12 anas (1 fr. 80) !

« Je demeure dans une cabane près de la route, à un mille et demi de la ville, et je vis des aumônes des voyageurs et des voisins. Il y a six semaines, après avoir dit mes prières, je m’étais assis à la porte de la cabane en compagnie de mon fils, âgé de dix ans. Une couverture que j’avais achetée la veille était étendue près de lui. Un homme, accompagné de sa femme et de ses deux enfants, l’un plus jeune, l’autre plus vieux que mon fils, vint s’arrêter près de nous. Ces voyageurs pétrirent leur pain, le mangèrent et nous donnèrent une quantité suffisante defarine pour faire deux galettes, que je préparai immédiatement ; je mangeai la moitié d’une et mon fils acheva le reste. Quelques instants après avoir pris cette nourriture, nous devînmes stupides : je vis mon fils s’endormir et l’imitai bientôt. Au réveil, j’étais dans une mare d’eau voisine et comme fou. J’eus cependant l’instinct d’en sortir et de me traîner jusqu’à la cabane où je trouvai mon fils qui respirait encore ; je m’assis à ses côtés, mis sa tête sur mes genoux ; mais il expira peu après. La couverture neuve avait disparu. La nuit était venue, je me levai et errai au hasard aux alentours en ramassant, je ne sais pourquoi, des brins de paille. J’étais encore tout insensé au jour, quand des voyageurs m’apprirent que les loups avaient mangé le corps de mon pauvre enfant. Je revins alors machinalement à la cabane, ramassai ses os dispersés