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CRIMES ET CHÂTIMENTS

Les thugs ne sont point les seuls malfaiteurs qui exploitent les voyageurs sur les routes de l’Inde, et il nous faut placer presque à leur niveau, pour l’atrocité des crimes et le nombre des victimes, les empoisonneurs ou dattureas, ainsi nommés de la substance vénéneuse qu’ils emploient le plus généralement et qui sont répandus, par centaines dans les trois présidences. Ces malfaiteurs se recrutent dans toutes les castes, empruntent tous les déguisements qui peuvent servir leurs attentats, attentats que favorisent d’ailleurs les mœurs primitives du voyageur indigène. L’Indien en voyage profite en effet bien rarement de l’abri d’un toit : c’est au bord de la route, à l’ombre d’un bouquet de manguiers ou de tamarins, qu’il établit son domicile éphémère ; c’est à la face du ciel qu’il fait les préparatifs de son dîner et goûte le sommeil réparateur qui le suit. À la faveur de ces habitudes d’une simplicité primitive, les dattureas en campagne s’associent aux voyageurs, et lorsqu’ils ont établi avec eux quelque intimité, ils profitent de la première bonne occasion pour mêler secrètement le poison au chillum du houkah ou à la nourriture de leur compagnon, qu’ils dépouillent ensuite à loisir. Aucune organisation souterraine ne relie entre elles ces bandes, composées chacune d’un petit nombre d’individus : aussi les mesures préventives prises contre les empoisonneurs n’ont-elles pas eu le même succès que celles prises contre les thugs. Ce crime est si commun dans l’Inde que nous croyons devoir reproduire ici la déposition faite devant un magistrat anglais par